Les Rendez-vous de paris
Réalisation : Eric Rohmer
La bande annonce
Synopsis
"Les Rendez-vous de Paris" raconte trois épisodes de séduction amoureuse placés dans différents quartier de Paris. Le premier, "Le Rendez-vous de 7 heures", se situe tout particulièrement à Montparnasse et à Beaubourg. Le second, "Les Bancs de Paris", propose une promenade très surprenante dans de nombreux jardins et parcs de Paris, souvent méconnus. Le troisième, "Mère et enfant 1907", nous emmène au musée Picasso et dans le quartier du Marais. Ce triptyque réunit à la fois les thèmes chers aux amoureux de Rohmer : la séduction, le grâce du langage et l'amour d'une ville : Paris.
Les Bancs de Paris
Elle a envie de quitter son fiancé chez qui elle habite, mais pas tout de suite. En attendant, elle se promène avec un professeur de province qui a un pied-à-terre en banlieue. Comme l'hiver approche, les embrassades dans les jardins de Paris deviennent de plus en plus inconfortables. Le fiancé devant partir pour trois jours en province, elle propose à l'autre d'aller passer trois jours, à l'hôtel, en touristes. Mais au moment d'entrer...
Le Personnage
Lui dans Les Bancs de Paris
Mon Regard
Un soir, après avoir vu un spectacle à Montparnasse dans lequel jouait, entre autres, Charlotte Véry (l'héroïne du Conte d'automne), nous nous retrouvons à dîner entre comédiens dans une brasserie de la rue de la Gaîté. Conversation à bâtons rompus. Le nom de Rohmer vient sur le tapis, et Charlotte me dit que je correspond tout à fait au type de « l'acteur rohmérien ». J'acquiesce, mais comment faire ? Elle répond : « Écris-lui de ma part et je lui parlerai de toi ».
Le lendemain une lettre, un CV et une photo partaient. Ce que ni Charlotte ni moi ne savions, c'est qu'Eric préparait le deuxième volet des Rendez-vous, qu'il avait écrit pour Aurore Rauscher.
Charlotte parla de moi (grâce lui soit rendue, car très rares sont les acteurs qui se souviennent de leur parole). Quelques mois plus tard Eric proposa à Aurore sur photo trois acteurs potentiels, dont moi, pour jouer « Lui ». Aurore trouva ma tête engageante. Un jour le téléphone sonne :
- « Bonjour c'est Eric Rohmer, j'aimerais vous voir »
- « Oui bien sûr, quand voulez-vous ? »
- « Aujourd'hui à 15 h à mon bureau ».
J'étais liquéfié, il m'expliqua le projet, son économie, me fit lire une ou deux scènes, me présenta Aurore, me donna deux scènes à travailler pour des essais huit jours plus tard. Pendant presque deux mois nous nous sommes vus régulièrement. De semaine en semaine il me donnait de nouvelles scènes et nous allions les mettre en place avec Aurore dans le lieu ou elles devaient se tourner puis nous retournions à son bureau boire du thé et manger des gâteaux et du chocolat. Le « supplice » semblait sans fin, cela ressemblait à une tentative de record pour le Guinness Book des essais les plus longs pour le cinéma et je commençais à en perdre le sommeil. Un jour, prenant mon courage à deux mains, je demande : « Pardonnez-moi Eric, mais j'aimerais savoir à quel moment vous estimerez que les essais seront concluants ? » Il lève le nez de son bureau, un peu interloqué : « Mais je vous ai engagé dès les premiers essais ».
Devant ma mine pour le coup interloquée elle aussi : « Je ne vous l'ai pas dit ? Eh bien j'ai oublié ! ».
Voilà les origines de mon premier film avec Eric Rohmer.
Ce tournage était placé sous le signe de la liberté. Le premier jour, nous étions sur les bords de la Seine, équipe artistique et technique au grand complet, soit six personnes : Eric Rohmer, Françoise Etchegaray (assistante, productrice), Diane Baratier (image), Pascal Ribier (son), Aurore Rauscher et moi. Le premier endroit où nous devions tourner, à proximité des bateaux-mouches, était trop bruyant. Eric simplifia et nous allâmes trois cents mètres plus loin, plus près de la Seine. J'avais l'impression de me promener et ce jour-là j'ai failli ne pas réaliser que nous tournions un film. C'est après la première prise, qu'Eric jugea satisfaisante, que le déclic s'est opéré et, confus, avec une sueur glacée dans le dos, j'ai demandé une deuxième prise qu'Eric ne trouvait pas nécessaire. J'ai fini par l'obtenir, j'étais enfin dans le film et c'est cette deuxième prise qui a été montée.
Pour la scène au jardin du Luxembourg, Eric voulait une lumière de 15 h. Comme la scène avait déjà été mise en place auparavant, le rendez-vous eut lieu à 14 h 30 sur place ; pas de costumes, pas de maquillage et pas de coiffeur, les seules pièces étrangères à ma garde-robe sont les foulards que je porte et qui sont ceux d'Eric.
Une répétition pour Diane et Pascal et moteur, sans bruit ni demande de silence, un clap fait d'un carnet à spirale et de mains claquées, pas de perche afin de ne pas attirer l'attention mais des micros HF (sans fil), un autre posé sur un sac derrière un arbre pour l'ambiance : une prise, deux prises et à 15 h 30 retour au bureau pour boire du thé. Je demandai un jour à Eric pourquoi il ne voulait pas plus de trois prises. Il me répondit qu'au-delà de trois des mécanismes se mettaient en place dont la disparition nécessitait énormément de travail. Il me dit que s'il n'avait pas ce qu'il voulait au bout de trois prises, on arrêtait et on recommençait le lendemain ou deux jours plus tard...
La séquence où nous sortons du Luxembourg par la grande grille, la caméra sur pied était masquée à la vue des passants par les corps d'Eric et Françoise côte à côte qui faisaient écran, l'objectif passant entre leurs hanches.
J'ai désappris le cinéma du cinéma au profit de la simplicité.
Extraits
Les Bancs de Paris
(extrait des dialogues)
LUI Alors, où aller ?
ELLE Je ne sais pas : au café.
LUI Tu sais, à Bobigny aujourd'hui, il n'y a personne dans l'appartement.
ELLE Je t'ai dit que je n'irai jamais.
LUI Mais s'il n'y a personne ? Tu m'avais dit que tu ne voulais pas venir à cause de mon copain et de sa nana.
ELLE Oui. C'est une raison.
LUI Il y en a d'autres ?
ELLE D'abord, je trouve que tu vas trop vite.
LUI Mais je ne veux rien faire de plus là-bas que je ferais ici !
ELLE J'espère bien.
LUI Alors ?
ELLE C'est un lieu qui manque totalement de poésie.
LUI Tu ne le connais pas.
ELLE Tu m'en as assez parlé. Et puis c'est trop loin. J'ai horreur de cette banlieue-là.
LUI Si tu veux de la poésie, moi aussi j'en veux d'ailleurs, faisons un voyage. Où tu voudras.
ELLE Je voudrais Tahiti.
LUI Tu ne peux pas trouver plus près ?
ELLE La Corse.
LUI Trop loin. Mais la mer, c'est tout à fait possible. La côte normande, Dieppe, Fécamp, Etretat, tu connais ?
ELLE Non, mais je suis sûre que c'est très triste en hiver. Et que dirais-je à Benoît ?
LUI Ou bien la vérité, et ce sera une raison de rompre, ou bien que tu vas chez tes parents. ...